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Le site du Conseil National pour la Résistance - Mouvement Umnyobiste (CNR - MUN)
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21 février 2007

"La Françafrique ne mourra pas de sa propre mort, il faudra l’étrangler"

Interview de Tene Sop Guillaume au Courrier d'Abidjan no 944 du 20 février 2007

S1031684

Interview - Secrétaire Général du Conseil National pour la Résistance - Mouvement Umnyobiste- Guillaume Tene Sop* est l’un des acteurs du sommet de la «contre- Françafrique» organisé par l’association Survie et un certain nombre d’ONG françaises. Cette rencontre s’est tenue en marge du sommet de la Françe-Afrique de Cannes les 15 et les 16 février 2007. Aujourd’hui, au sortir de ces sommets parallèlement opposés, Tene Sop revient sur l’inopportunité de la Françafrique et fait le bilan de ce contre sommet.

Le rideau vient de tomber sur le 24ème sommet France - Afrique, quels sentiments vous animent, vous qui êtes un des acteurs principaux de la ‘‘contre-Françafrique’’?

C’est un sommet du bla bla bla, qui ne sert en réalité à rien sinon qu’au chef d’Etat français de remercier ses «gouverneurs de colonies» et ses amis les dictateurs néocoloniaux comme Paul Biya, Bongo Sassou, Deby… pour «les innombrables services rendus à la métropole»; Il sert aussi à alimenter le narcissisme et le culte de l’autoglorification de la France sur le plan international…
Le sommet France–Afrique ne sert à rien ; pas plus qu’un sommet USA- Afrique, ou Chine – Afrique servirait à quelque chose. Par dignité et orgueil, les Africains doivent refuser ce type de mise en scène obscène!

Vous venez de participer au contre sommet France – Afrique organisé par des ONG françaises, dont «Survie». C’est quoi le contre- sommet?

Le contre-sommet Françafrique est le contrepoids du sommet officiel France-Afrique. Le contre-sommet ou sommet alternatif ou encore sommet citoyen regroupe les organisations de la société civile africaine et française pour discuter de la politique française en Afrique, du soutien des gouvernements français aux dictatures criminelles et corrompues, les responsabilité s des entreprises françaises dans le pillage des pays africains, les crimes de la France en Afrique, etc. Le sommet fait en général le point de la situation et propose des alternatives. Mais le contre-sommet de cette année a revêtu un caractère particulier…

Pourquoi?
Le sommet citoyen France-Afrique avait cette année une importance particulière parce qu’il s’est tenu en pleine campagne pour l’élection présidentielle en France. L’occasion était donc très belle pour que l’opinion publique française soit sensibilisée sur les méfaits de la Françafrique et que les candidats à l’élection française soient interpellés sur la politique africaine de la France.
Il y a eu cet appel des sociétés civiles africaines aux candidats et un autre appel, celui des ONG françaises dont Survie, et ayant pour thème «Pour une politique de la France en Afrique responsable et transparente» et contenant des revendications très précises à l’endroit des candidats à l’élection présidentielle en France.

Quelles sont ces revendications destinées aux présidentiables français ?

L’une des plus importantes est par exemple l’exigence du contrôle parlementaire de la politique de la France en Afrique. A ce jour, la politique africaine de la France est le domaine réservé de l’Élysée à travers sa «cellule africaine». Il n’y a jamais eu au parlement français un débat public sur une intervention d’un gouvernement français dans un pays africain. Cela a alimenté la Françafrique c’est-à-dire cette sorte de mafia et de lobbies de personnes et d’entreprises qui pillent, tuent et soutiennent les dictatures néocoloniales illégitimes en Afrique.
Vous savez certainement qu’après les massacres de l’armée française sur les Ivoiriens en Novembre 2004, des ONG françaises ont demandé une commission d’enquête parlementaire sur ces évènements, qui n’a jamais eu lieu…

Mais ce n’est pas la première fois que des revendications allant dans le sens du démantèlement de la Françafrique sont posées par des organisations de la société civile aussi bien française qu’africaine. Pourquoi pensez-vous que vous serez plus écoutés aujourd’hui qu’hier?

Vous avez raison! Si ce pillage atroce de nos économies et ce soutien arrogant de la France aux dictatures antidémocratiques continue, il est fort à craindre que les résistances à la Françafrique prennent des formes moins pacifiques. Les Africains suivent avec attention ce qui se passe dans le Delta au Nigeria…et les formes de résistances qui y sont développées pourraient bien faire tâche d’huile. On peut effectivement se rendre à l’évidence que le sentiment antifrançais est très fort dans nos villes… C’est la conséquence de la politique d’exploitation hideuse de la France dans nos pays. C’est ce sentiment accumulé qui a explosé en novembre 2004 à Abidjan et la suite on la connaît.
Il y a une nette tendance à la radicalisation. Je vais vous raconter une scène qui s’est déroulée pendant le colloque. Il y avait un Ivoirien au contre-sommet qui venait d’Abidjan ; il représentait la FEDESI, je crois, le secteur informel. Cet Ivoirien a, dans son exposé, timidement critiqué le manque de neutralité de la France dans la crise en Côte d’Ivoire, et a demandé que la France finance davantage les Ong ivoiriennes en cette période de crise. C’est alors que l’universitaire Comi Toulabor, s’est emparé avec rage du micro pour trouver scandaleux que le frère ivoirien n’ait pas demandé le départ des troupes françaises de Cote d’ivoire. Tonnerre d’applaudissements dans la salle ! C’est ça la tendance à la radicalisation dont je parle et qui n’est plus seulement le fait d’activistes, mais également d’universitaires…

Revenons au contre-sommet. Vous dites que le sommet officiel des chefs d’Etat c’est du verbiage. Quel bilan faites-vous des trois jours de «contre-sommet» ?

Le bilan du contre-sommet est largement positif. Certains candidats ont déjà commencé à intégrer la problématique de la politique africaine de la France au cœur du débat politique en France, en dénonçant, par exemple, la perversité de la Françafrique et le pillage de l’Afrique par des société françaises. Cela est intéressant.
Les organisateurs du contre sommet se sont voulus très concrets et ont encouragé des propositions et des alternatives plutôt que les dénonciations habituelles. C’est ainsi que les participants ont proposé par exemple la fermeture des bases militaires françaises sur le continent, une enquête sur les crimes coloniaux et néocoloniaux de la France, la fin de l’impérialisme monétaire…
Les rencontres comme le contre- sommet permettent aussi aux résistances africaines contre la Françafrique de faire le point, d’échanger les expériences.
A titre d’exemple, la projection du film «Mascarade électorale au Togo» a permis de montrer comment fonctionnent les mécanismes de la fraude électorale qui permettent aux dictateurs néocoloniaux sans légitimité de s’agripper au pouvoir. A travers cette projection, les Togolais, les Tchadiens, les Camerounais, les Congolais… ont pu se rendre compte de l’urgente nécessité de développer des stratégies de résistances communes pour bouter l’impérialisme français hors d’Afrique
En plus, les échanges entre les organisations africaines et françaises lors du contre-sommet ont été très enrichissantes.

Un journaliste affirmait : «La Françafrique c’est toute l’Afrique autour de la France, les esclaves aux pieds de leur maître». Partagez-vous son point de vue ?

Oui, si on est amoureux des images et des formules lapidaires ! Mais je préfère la définition donnée par F.X. Verschave, qui est, elle, plus pédagogique, en ce sens qu’elle met en exergue non seulement les mécanismes mais aussi les acteurs de la Françafrique. Cela étant, FX Verschave définit (Dossier Noirs No 7, 1996) «la Françafrique comme une nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisée sur l’accaparement de deux rentes: les matières premières et l’aide publique au développement. La logique de cette ponction est d’interdire l’initiative hors du cercle des initiés. Le système (…) est naturellement hostile à la démocratie. Le terme évoque aussi la confusion, une familiarité domestique touchant vers la pauvreté». Voilà!
Cette définition de Verschave rend cette notion compréhensible par tout le monde et cela est très important car pour combattre un système, il faut le connaître et savoir comment il fonctionne !

Aujourd’hui quels types de coopérations l’Afrique doit-elle entreprendre vis-à-vis de l’Europe et/ou des grandes puissances? Doit-elle rejeter du revers de la main la coopération du type ‘’Une puissance plusieurs autres Etats’’. Si oui, est-ce que d’ici quelques temps l’on n’aura pas de sommet ‘‘sino-africain’’?

Il s’est déjà tenu, il y a quelques semaines, un sommet sino-africain à Pékin où la Chine a proclamé à grand renfort de publicité, son amour pour l’Afrique. Mais en fait, la Chine a énormément besoin de matières premières pour soutenir la productivité de ses industries et c’est pour cette raison qu’elle vient en Afrique. Nous avons besoin de transformer nos matières premières chez nous, pour créer des emplois et assurer notre développement industriel et non de les brader au premier venu.
Ce type de sommets où un pays, fût-il «puissant» convoque tous les Etats africains autour d’une table m’indispose par l’idée de supériorité, de domination et la condescendance qui sous-tendent de telles rencontres.
Que cela soit bien clair: les Africains ne luttent pas contre l’impérialisme français pour se laisser dévorer par l’impérialisme étasunien ou l’impérialisme Chinois! Un impérialisme est aussi pernicieux qu’un autre. Et je dirais même que l’impérialisme Chinois, quoique nouveau et en expansion, est déjà en train de causer d’énormes dégâts sur les économies de nos pays et menace même d’aggraver la désintégration de notre tissu social;

Trois chefs d’Etat (Laurent Gbagbo, Kagamé, Mugabe) n’ont pas participé pas à ce sommet de Cannes. Qu’est ce que cela suscite en vous comme réaction?

Je pense que c’était presque prévisible! Il font partie de «l’axe du mal» en Afrique. C’est plutôt l’invitation de Gbagbo au sommet qui m’a surpris! Et si le président Gbagbo s’y était rendu personne n’aurait compris!

A votre avis pourquoi le sommet a voulu faire du Président Gbagbo, un invité d’honneur. Que cache cette invitation?

Chirac a perdu sa guerre contre Gbagbo: il avait fait de la chute du Président Gbagbo, un défi personnel. Il faut certainement mettre cette invitation sur le compte d’une volonté de décrispation qui entre dans le même registre que la récente visite de Brigitte Girardin au Président Gbagbo. Mais Chirac n’est pas cohérent avec lui-même: vous vous souvenez qu’en Novembre 2004, il avait qualifié le régime de Gbagbo de «fasciste»; je ne comprends pas qu’il veuille inviter un «fasciste» à un rendez- vous comme le sommet France – Afrique !

Pensez-vous que si le pouvoir français passe à gauche, l’on peut dire adieu à la Françafrique sous sa forme actuelle?

Il est permis d’en douter. Tous les gouvernements qu’ils soient de droite ou de gauche ont entretenu et renforcé la Françafrique en soutenant des dictatures en Afrique francophone et des systèmes de gestion opaques au profit de la France. Il ne faut donc pas se faire d’illusions. Je suis un activiste politique, qui croit en la révolution au sens des résistants africains tels que Um Nyobe, Lumumba, Kwame Krumah etc… Il ne faut pas se leurrer, la Françafrique ne mourra pas de sa propre mort, il faudra l’étrangler.
Je pense donc que la fin de la Françafrique ne se fera que par une révolution qui sera soit violente soit pacifique en fonction des situations. Les nationalistes africains ne feront pas l’économie de cette révolution…
C’est pourquoi les évènements comme le Sommet citoyen France – Afrique que la presse a appelé le contre-sommet, sont extrêmement importants en ce sens qu’ils attirent l’attention des politiques et de l’opinion française sur les risques que font courir le néocolonialisme et l’impérialisme français en Afrique sur la sécurité des Français et des intérêts de la France á l’extérieur! En effet, l’arrogance de la Françafrique a conduit progressivement à un impressionnant sentiment anti-français dans plusieurs villes africaines, si bien qu’il suffit de la moindre étincelle pour que tout s’embrase. Malheureusement, ceux qui font souvent les frais de cette mauvaise politique des gouvernements français, ce sont d’innocentes personnes, qui sont venues «se chercher» en Afrique, et qui la plupart du temps, n’ont rien à voir avec la politique de leur gouvernement.

* Guillaume Tene Sop est écologue et environnementaliste de profession. Il est également Porte-parole du Collectif des Organisations démocratiques et Patriotiques des camerounais de la Diaspora (le CODE).
Il réside à Hambourg en Allemagne

Israël Yoroba (isyoroba@yahoo. fr )

 
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