Les Burkinabè du Canada dénoncent le caractère pléthorique des Institutions de Transition et exigent la fin de l'impunité!
Déclaration de Burkinabè vivant au Canada sur le processus politique en cours à Ouagadougou
Le peuple burkinabè traverse en ce moment-même une période très critique de son histoire. Il vient de mettre fin aux errements du régime de Blaise Compaoré au prix de la vie de jeunes patriotes burkinabè dont nous saluons avec une intense émotion l’héroïsme et le sacrifice. Nous sommes particulièrement attachés à ce que leurs noms soient inscrits en lettres d’Or dans les annales de l’histoire de notre pays.
Il faut rappeler ici que la lutte pour laquelle ils se sont sacrifiés est loin d’être terminée. En effet, c’est maintenant ou jamais que le peuple du Burkina Faso doit prendre son destin en main afin de mettre en place des organes de transition politique devant mener vers des élections libres, transparentes et démocratiques.
Nous exprimons notre reconnaissance vis-à-vis de l’Armée Nationale pour avoir pris le parti du peuple en l’accompagnant dans les marches victorieuses des 30 et 31 octobre, évitant ainsi à notre chère patrie de sombrer dans le chaos. Toutefois, nous souscrivons à la volonté exprimée par le peuple burkinabè, de voir la transition dirigée par des civils.
Ce souhait ne se fonde pas sur une méfiance systématique vis-à-vis de notre armée mais plutôt sur une prise en compte du rôle joué par celle-ci dans l’histoire récente de notre pays. Le régime de Blaise Compaoré s’était en effet structuré autour de deux composantes majeures: politique et militaire. La branche politique du régime a été annihilée par l’insurrection populaire mais la branche militaire demeure toujours insaisissable. L’appartenance du leader provisoire de la transition, le Lieutenant-Colonel Yacouba Zida, au Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) qui s’est illustré négativement sous le régime Compaoré n’apporte pas l’assurance et la confiance indispensables au succès de celle-ci.
C’est le lieu de mentionner particulièrement notre grande déception devant la complicité ou la passivité des nouvelles autorités du pays ayant permis la fuite de Blaise Compaoré et son clan, notamment celle de François Compaoré qui doit répondre de plusieurs crimes devant le peuple burkinabè. Nous souhaitons que la transition puisse aboutir à une réunification de l’armée burkinabè en une seule armée nationale dont le but sera de protéger le peuple et défendre les frontières du Burkina Faso. La sécurité du président devra être assurée comme dans tous les régimes démocratiques par des forces de sécurité, en l’occurrence la gendarmerie.
Il est aussi important de mentionner que l’armée est une composante du peuple burkinabè et qu’elle n’est pas la seule à avoir failli sous le régime Compaoré. Par conséquent, nous ne devons pas souscrire à l’indexation de l’armée et aux tentatives de division entre l’armée et son peuple.
Nous saisissons aussi l’occasion pour nous prononcer sur les initiatives de l’Armée Nationale, des partis politiques de l’ancienne opposition et de diverses organisations de la société civile portant sur le processus de transition politique. Certains points de l’avant-projet de charte de la transition suscitent des interrogations et pourraient être améliorés en prenant en compte nos présentes suggestions.
- Le mode de désignation du président de la transition devra être plus consensuel que les simples majorités absolues/simples. Il faut, en effet, que son autorité soit respectée par tous pour éviter que nous sombrions dans le désordre. La méthode cartésienne de majorité basée sur des proportions arbitraires devraient faire place ici à une «palabre africaine», c’est-à-dire une discussion jusqu’à un consensus plus large.
- Le flou sur le choix des membres du conseil national de la transition devra être éclairci car la présente mouture ne précise guerre la façon dont les membres seront désignés. Elle se contente juste d’en énumérer la composition.
- Le caractère pléthorique (90 membres) et l’absence de modalités de sélections des membres de l’Assemblée Nationale de Transition posent problème. Un conseil plus restreint ne serait-il pas plus efficace?
- Enfin, en tant que Burkinabè de la diaspora, nous ne pouvons pas cacher notre choc devant l’exclusion annoncée des Burkinabè de l’étranger du processus politique en cours, notamment les élections. Nous exigeons une participation des Burkinabè de l’étranger au processus politique en cours. Ils ne devraient pas être représentés par des organes mis en place par le régime Compaoré comme le CSBE mais par ceux d’entre nous qui avons lutté activement aux côtés du peuple à travers les organisations de la société civile et les partis politiques. La participation des Burkinabè de l’étranger aux élections avait été préparée par la CENI et l’aspect logistique était suffisamment avancé pour que nous puissions prendre part aux élections. Dans tous les cas, les Burkinabè de l’étranger devraient avoir leur place au sein des organes délibératifs et consultatifs de la transition.
De façon générale, nous renouvelons notre souhait que ceux-là même qui ont commis des crimes économiques ou de sang contre notre peuple répondent de leurs actes. Nous ne donnons pas une bonne leçon aux générations futures si nous acceptons que ceux-ci s’en sortent à bon compte et qu’ils soient invités à participer aux discussions politiques comme si de rien n’était. En attendant qu’ils répondent clairement de leurs actes en justice, ils devraient au moins être politiquement sanctionnés par leur mise au ban des discussions actuelles.
Nous souscrivons aussi à la mise sur pied d’une Commission indépendante de Vérité et Justice. La réconciliation ne sera possible que lorsque vérité et la justice seront rendues aux familles endeuillées par le régime Compaoré. Le terme «Réconciliation» ne semble pas avoir sa place dans la dénomination de cette commission d’autant plus qu’il n’y a pas deux factions du peuple en conflit dans le cas présent. Il faudra particulièrement éviter qu’une telle initiative aboutisse à un passage d’éponge sur les crimes, économiques et de sang notamment, commis par le pouvoir Compaoré.
Enfin, en tant que membres de la diaspora, nous appelons à la vigilance vis-à-vis de la communauté dite internationale. La victoire a été acquise par un peuple en soif de liberté, et il faudra éviter qu’une quelconque organisation internationale ne vienne lui dicter ce qu’il doit faire surtout quand de telles organisations ont brillé par leur silence et leur passivité au moment où Blaise Compaoré se lançait dans son aventure dangereuse.
Nous restons mobilisés et appelons le peuple à faire de même pour peser à la fois sur l’armée et les leaders des partis politiques et des OSC afin que l’opportunisme, les agendas cachés, les querelles de personnes et les intérêts étrangers n’entachent pas la chevauchée héroïque de notre peuple.
Nan laara an saara!
La patrie ou la mort nous vaincrons!
le 11 novembre 2014
Ont signé
Téguewindé Sawadogo, Christine Paré, Alexis Sanou, Olivier Badolo, Brice Lionel Nikiema, Christophe Gamsonré,
Tankian Coulibaly, Hamado Zoungrana,Yasmine Sermé, Alimata Diallo, Mahamadi Savadogo,Serge Bationo, Stéphane Traoré, Edmond Ziba, Serges Hermann Lankoande, Abdoulaye Ouedraogo